Place des martyrs, la place martyre.


Cette place a une histoire, entamée dans la joie, achevée dans la tristesse. Car cette place est devenue non seulement une place des martyrs , mais aussi, selon la citation de Ghassan Tuéni, « La place martyre » . Ce sont non seulement les statues au centre de l’esplanade, qui symbolisent le martyre, c’est désormais toute la place, après avoir été un emblème d’aspirations et d’ouverture. C’est la première place publique dans l’histoire moderne de Beyrouth. Avant elle les habitants de Beyrouth n’avaient à leur disposition que deux petites places . Ils ont donc accueilli avec joie ce nouvel espace, qui prit spontanément le nom de place de la Tour, car elle jouxtait une tour de guet ou de défense qui donnait sur la mer. Les pouvoirs publics ont commencé à s’y intéresser. La municipalité en a fait en 1888 un jardin public. Devenue une escale pour les voyageurs, les marchands ambulants y ont établi un marché. Mais le gouverneur ottoman Jamal Pacha a changé sa destinée en y plaçant une potence pour pendre des Libanais, des Syriens, et des Palestiniens qui réclamaient la liberté et l’indépendance (1915-1916) . Lorsque Beyrouth a été déclarée capitale du Liban, la place elle-même a été appelée « Place des martyrs ». Par la suite, la place a été redessinée par le mandat français, en vue d’une modernisation de la ville , qui l’a bordée d’immeubles, de cinémas et d’un théâtre. Au centre se dressait la sculpture des « deux pleureuses » de Youssef Howayek, mais elle a été considérée peu convaincante par de nombreux citoyens, qui n’y voyaient pas l’expression des martyrs et de leur héroïsme. Elle a été remplacée en 1960 par une autre, œuvre du créateur italien Marino Mazzacurati. La place a continué d’être le cœur battant de la ville, jusqu’à ce que la guerre éclate en 1975 . Elle s’est alors transformée en champ de bataille, et elle a été dévastée. Avec la fin de la guerre qui avait divisé la ville en deux parties, Beyrouth-Ouest et Beyrouth-Est, la place n’était plus un espace symbolisant l’union du Liban, mais une simple extension de l’autoroute reliant l’aéroport au centre-ville. Néanmoins, lorsque le premier ministre Rafic Al Hariri, porteur du projet de reconstruction qui ne faisait pourtant pas l’unanimité des Libanais, a été assassiné (2005), des citoyens venus de tout le territoire national ont afflué vers la place, où le défunt a été inhumé non loin de la mosquée et de l’église proches. Les Libanais appartenant au courant politique adverse avaient adopté la place Riyad Al Solh pour leurs actions. Cependant « la place des Martyrs » devait retrouver plus tard ce rôle de trait d’union entre Libanais, notamment lors des manifestations de protestation contre la dégradation de la situation, et pour réclamer un Etat à l’image de leur union sur la place.
