La quarantaine, un lazaret devenu risque pour l’environnement


Ah… la Quarantaine , c’était autrefois un beau terrain entre la mer et le fleuve de Beyrouth. Depuis que ce terrain a été choisi pour y construire un lazaret pour les arrivants par mer, en raison de sa proximité avec le port, et qu’il a pris le nom de « Quarantaine » — son destin a été celui du malheur et de la souffrance. Le terrain était autrefois une oasis pour les Bédouins, puis un abattoir y a été construit. En 1913, l’aéroport de Beyrouth n’étant pas encore édifié, le terrain a vu atterrir un avion civil. Par la suite, des réfugiés arméniens rescapés du génocide de 1915 y ont été accueillis, puis ils l’ont quitté pour le quartier de Bourj Hammoud. En 1948, avec l’arrivée d’un certain nombre de réfugiés palestiniens, des investisseurs y ont construit des usines, des ateliers, des entrepôts, des tanneries et des moulins à grains. Peu à peu, les ouvriers de ces établissements, ainsi que ceux qui cherchaient du travail au port ou en ville, y ont construit des habitations de fortune. La Quarantaine est ainsi devenue l’un des bidonvilles entourant Beyrouth. Avec le déclenchement de la guerre en 1975, les combattants de Beyrouth-Est se sont empressés de s’en emparer, en raison de son emplacement en bord de mer à proximité du port, et du passage qu’offrait la région entre Beyrouth et le Mont-Liban, mais également pour éloigner les miliciens palestiniens dont les dérives s’étaient multipliées dans le quartier et ailleurs. Passée sous leur domination, cette zone était devenue leur quartier général. Lorsque le pays a sombré dans l’engrenage de la violence et le chaos, et que les milices se sont mises à s’attaquer à la vie des Libanaises et des Libanais, le nom de la Quarantaine, comme de nombreuses autres zones de la guerre entre les deux camps, a été associé à la terreur, aux enlèvements, aux disparitions forcées et aux tueries. Elle figure parmi les quatre zones reconnues par la commission d’enquête créée par le gouvernement libanais comme un lieu de fosse commune . Alors qu’il s’agit aujourd’hui d’un passé révolu que l’on cite pour qu’il ne se reproduise plus jamais, ce terrain continue de présenter un risque grave et permanent car la Quarantaine est devenue l’un des lieux les plus pollués de la capitale et du Liban. Dans un pays sans planification ni solutions aux problèmes sociaux, environnementaux et autres, la Quarantaine s’est transformée en décharge pour les déchets industriels, les abattoirs, les hôpitaux, ainsi que pour les ordures de la ville et de ses environs. Et pourtant, de nombreux réfugiés et personnes démunies ne trouvent pas d’autre abri que cet endroit, qui a été frappé de plein fouet par le séisme de l’explosion du port.
