Le musée : la société plus forte que la guerre


Les Libanais ont souvent des avis différents, même à propos du musée national . Alors que de nombreuses personnes le considèrent comme un trésor et un emblème du Liban, d’autres y voient une opération de falsification de l’histoire . Le récit du musée commence après la déclaration d’indépendance du Grand Liban en 1920, et une série de découvertes archéologiques . À cette époque, un certain nombre de citoyens et d’hommes politiques réclamaient avec ardeur l’édification d’un musée. Ils étaient enthousiastes à l’idée de bâtir une identité nationale qui puisse lier l’Etat à ses citoyens . Ils redoutaient également le vol ou la perte des trouvailles archéologiques. Le gouvernement a alors décidé de construire un musée. Un comité d’amis du musée s’est mobilisé pour réunir des fonds et la municipalité a offert un terrain. Les deux architectes Albert Nahas et Pierre Leprince-Ringuet ont été chargés de concevoir le bâtiment (1930). Les travaux se sont achevés en 1937 mais le musée n’a été inauguré qu’en 1942. Lorsque la guerre de 1975 a éclaté, le musée est devenu un champ de bataille. Situé au carrefour de la route de Damas et d’une route principale reliant Beyrouth Ouest à Beyrouth -Est, son emplacement avait été choisi comme symbole de l’unité du pays et des Libanais, mais il était devenu un dangereux foyer de tension sur une ligne de front qui divisait la capitale. De ce fait, le musée n’a pas échappé au feu et au pillage. Toutefois le directeur, Maurice Chehab , ainsi qu’un certain nombre d’employés du musée ont eu un comportement exemplaire, en tant que fonctionnaires soucieux des institutions publiques et des trésors nationaux. Ils ont pris des risques personnels afin de protéger ce qui restait des œuvres. Ils ont placé les pièces archéologiques dans des caisses en bois qu’ils ont enterrées dans des lieux sûrs, et versé du béton sur celles qui ne pouvaient être transportées, comme les mosaïques. Néanmoins, la liste des pillages s’est allongée, et le musée a souffert par ailleurs des infiltrations d’eau dans ses étages inférieurs. La route qui le dessert, entre le secteur de Adliyeh et de Barbir, donnait, tel un thermomètre, la mesure de l’intensité des combats. Celui qui y pénétrait pouvait être considéré comme perdu, celui qui en sortait, ressuscité. Les Libanais n’ont pourtant pas désespéré. Ceux d’entre eux qui refusaient la poursuite de la guerre, la dégradation de la situation politique, sécuritaire, économique et sociale en ont fait le lieu de leur rencontres et activités. Ils se sont souvent réunis sur les lieux, venant des deux régions de Beyrouth, réclamant l’arrêt des hostilités et l’ouverture du passage entre Beyrouth-Ouest et Beyrouth-Est, la libération des personnes enlevées, et la lumière sur le sort des personnes disparues, ainsi qu’un frein à la dépréciation de la monnaie nationale et la réévaluation des salaires. Le musée a été restauré après la guerre, et l’un des citoyens a fait le don d’une porte de fer.
