Le Saint-Georges et l’assassinat de Rafic Al Hariri : la force de la mémoire


C’est ici que le premier ministre Rafic Al Hariri a été assassiné le 14 février 2005. En dépit de l’ampleur de l’événement et son caractère tragique, le lieu a continué de s’appeler le « Saint-Georges » , en raison de sa proximité avec le célèbre hôtel. Devenu une attraction touristique et architecturale, ce bâtiment, inauguré en 1934, conçu à l’origine par l’architecte Antoine Tabet , était l’un des premiers bâtiments en béton de la ville, et qui est resté très présent dans sa mémoire. Son image en bord de mer, le souvenir de sa plage, de son club fréquenté par les hommes politiques, les grandes fortunes, les célébrités et les journalistes, ainsi que son repaire d’espions, tout cela n’a point été effacé par la guerre. Le souvenir en demeure présent, bien que le bâtiment ait été défiguré, sur cette parcelle de terre brûlée qu’a été la frontière entre Beyrouth-Ouest et Beyrouth-Est. Bien qu’il soit resté fermé après la guerre, pour restauration, sa direction s’est trouvée en conflit avec la Société Solidere à propos de l’exploitation du bord de mer, et il demeure l’un des rappels les plus manifestes du passé. Le « Saint-Georges » était resté pendant des années le seul hôtel luxueux de Beyrouth, la star unique des cartes postales qui mettaient en valeur le bord de mer de la capitale. Il représentait l’image de l’opulence et du faste, en contraste avec les conditions économiques et sociales des habitants de nombreuses régions libanaises ainsi que des ceintures de pauvreté autour de Beyrouth. Le choix du lieu pour l’assassinat n’a toutefois pas été guidé par un souci de vengeance contre cette opulence, mais tout simplement parce qu’il était l’un des chemins empruntés par le cortège. Ce que signifie toutefois l’assassinat en ce lieu-même c’est que le Liban, à l’image du Saint-Georges qui avait connu un passé glorieux et a été détruit par les combats, n’a pas retrouvé sa situation d’avant- guerre. L’assassinat, qui a fait plusieurs victimes entre morts et blessés, et complètement ravagé l’environnement, a secoué le Liban tout entier. Outre le fait qu’il représentait le summum de l’assassinat politique , phénomène revenu en force à cette époque-là, il avait, à travers Hariri, pris pour cible le symbole de l’application des accords de Taëf qui avaient mis fin à la guerre civile, de même qu’un leader libanais qui avait tissé tout un réseau de relations arabes et internationales. En dépit de cela et de la cruauté de l’assassinat, l’hôtel a insisté sur la nécessité d’ouvrir de nouveau ses portes, au moins partiellement. Comme s’il tenait à ne pas être identifié à la guerre et aux assassinats mais à un Liban de l’avenir, de même qu’aux aspirations des générations meurtries.
